• Articuler la dimension de l'universel : nous appartenons toutes et tous à la même espèce humaine, à celle du particulier : nous évoluons dans une société marquée par une culture donnée et un moment précis de l'histoire et du singulier : chaque individu et chaque circonstance sont uniques. Hannah Arendt affirme avec force la nécessité absolue de se penser comme responsable de ses actes : qu'en est-il de ma propre responsabilité dans mes relations de proximité et au sein de l'espace social ?

    C'est bien donc par ce biais que l'individu peut échapper à la perception égoïste et autocentrée qui le menace en permanence. Evoquer le fondement de la communication qui consiste pour elle à « penser le point de vue de l'autre. Sinon, jamais on ne le rencontre, jamais on ne parlera en se faisant comprendre de lui. »

    Pour Emmanuel Levinas. la rencontre avec cet Autre précède et structure tout rapport au monde. Ce qui prime, avant même d'essayer de le comprendre, c'est de le reconnaître dans sa radicale singularité. Je ne le possède pas et il ne se réduit jamais à l'image que je m'en fais. Mais c'est en permanence qu'il m'interpelle, me convoque et m'oblige. Cette relation me rend solidaire d'une façon incomparable et unique : le don gratuit, le sens de l'Autre et le désintéressement envers autrui ne sont jamais ce qui limite ma liberté, mais toujours ce qui me permet d'y accéder. Jacques Trémintin

    Penser avec Arendt et Levinas. Du mal politique au respect de l'autre Auteur(s): Fred Poché - éd. Chronique Sociale, 2004 (128 p. ; 12,50 €)


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  • Céder sur son désir

    Je propose que la seule chose dont on puisse être coupable, au moins dans la perspective analytique, c'est d'avoir cédé sur son désir.
    (...)
    Faire les choses au nom du bien, et plus encore au nom du bien de l'autre, voilà qui est bien loin de nous mettre à l'abri non seulement de la culpabilité mais de toutes sortes de catastrophes intérieures? En particulier, cela ne nous met certainement pas à l'abri de la névrose et de ses conséquences. Si l'analyse a un sens, le désir n'est rien d'autre que ce qui supporte le thème inconscient, l'articulation propre de ce qui nous fait nous enraciner dans une destinée particulière, laquelle exige avec insistance que la dette soit payée, et il revient, il retourne, et nous ramène toujours dans un certain sillage, dans le sillage de ce qui est proprement notre affaire.(...)


    Ce que j'appelle céder sur son désir s'accompagne toujours dans la destinée du sujet - vous l'observerez dans chaque cas, notez-en la dimension - de quelque trahison. Ou le sujet trahit sa voie, se trahit lui-même, et c'est sensible pour lui-même. Ou plus simplement, il tolère que quelqu'un avec qui il s'est plus ou moins voué à quelque chose ait trahi son attente, n'ait pas fait à son endroit ce que comportait le pacte - le pacte quel qu'il soit, faste ou néfaste, précaire, à courte vue, voire de révolte, voire de fuite, qu'importe.
    Quelque chose se joue autour de la trahison, quand on la tolère, quand poussé par l'idée du bien - j'entends, du bien de celui qui a trahi à ce moment - on cède au point de rabattre ses propres prétentions, et de se dire - Eh bien puisque c'est comme ça, renonçons à notre perspective, ni l'un ni l'autre, mais sans doute pas moi, nous ne valons mieux, rentrons dans la voie ordinaire. Là, vous pouvez être sûr que se retrouve la structure qui s'appelle céder sur son désir.
    Franchie cette limite où je vous ai lié en un même terme le mépris de l'autre et de soi-même, il n'y a pas de retour. Il peut s'agir de réparer, mais non pas de défaire(...)

    Je vous ai articulé trois propositions.
    La seule chose dont on puisse être coupable, c'est d'avoir cédé sur son désir.
    Deuxièmement, la définition du héros - c'est celui qui peut impunément être trahi.
    Troisièmement, ceci n'est point à la portée de tout le monde, et c'est la différence entre l'homme du commun et le héros, plus mystérieuse donc qu'on ne le croit.

    Pour l'homme du commun, la trahison, qui se produit presque toujours, a pour effet de le rejeter de façon décisive au service des biens, mais à cette condition qu'il ne retrouvera jamais ce qui l'oriente vraiment dans ce service.


    Enfin, le champ des biens, naturellement ça existe, il ne s'agit pas de les nier, mais renversant la perspective je vous propose ceci, quatrième proposition –

     Il n'y a pas d'autre bien que ce qui peut servir à payer le prix de l'accès au désir - en tant que ce désir, nous l'avons défini ailleurs comme la métonymie de notre être.

    Jacques LACAN. Séminaire, livre VII : L'éthique de la psychanalyse.- Seuil, 1986.


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  • Ce soir, je suis ivre.
    Juste deux choses.
    Nous ne savons pas, nous Français, la chance (?) que nous avons de savoir prononcer un R. Il faut voir les efforts d'un Japonais pour y parvenir.
    Le kanji qui signifie "risque" est composé du kanji signifiant "oeil" et de celui signifiant "soleil". Je ne peux le tracer ici, bien entendu. Le "soleil" est au dessus de l'"oeil". Et ça veut dire "risque".

    Voilà le genre de truc que tu découvres en causant avec des gens dans un bar.

    Souvent tu t'étonnes des mots étrangers, par exemple que le mot risque s'écrive avec les kanjis signifiant soleil et oeil. Tu trouves ça magnifique. Mais quand tu expliques à Maïko qu'en français, c'est le même mot pour djikan et tenki, le time et le weather, le temps quoi, elle s'étonne, et trouve ça magnifique.

    Et tu te dis, c'est vrai, c'est magnifique. G.R.

    être au Japon Guillaume était au Japon pour trois mois. engagé par Kazuyoshi Kushida, metteur en scène japonais, pour participer à sa création du Cercle de Craie Caucasien, de B. Brecht, en japonais, qu'il parle pas, avec une vingtaine d'acteurs, essentiellement japonais. 18 décembre 2004, 12 mars 2005. Ce blogue, dont l'idée lui est venue grâce à Fred D., est le réceptacle de ses haikus rannou. Chaque soir, il a causé ici. 23h à Tokyo, 15h à Paris. débloguage le 15 mars 2005. Le retour en France. Il est fait.

    On peut quand même aller faire un tour sur ce blog / déblogué, parce que c'est beau, parce que çà fait du bien, parce ce que c'est généreux, c'est tout l'univers particulier de Guillaume R.

    http://www.etreaujapon.blogspot.com/

    http://www.ferme-du-buisson.com/

    Exposition : " Ecrire à voix haute" (2 avril au 3 juillet 2005 )


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  • Mot : Héros  juste comme être en colère !

    Extrait du dossier de presse exposition

    «  Démocratie Suisse »

    de Thomas Hirschhorn 2005 petit poême de Gwenäel Morin, « la figure symbolique de Tell libérateur pour critiquer la mythologie de la démocratie ».

    TELL EST UN HEROS

    Et je veux copier sur lui

    Devenir un héros moi aussi !

    JE VEUX ME METTRE EN COLERE

    Et transformer le monde !

    AVEC DE L'ART

    Je veux le faire avec du théâtre

    Je veux être héroïque

    L'HEROÏSME EST BÊTE ET DECISIF !

    http://ccsparis.com/projets/04-2004/


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  • Juste ce texte sur une chorégraphie de Diverrès, parce qu'il parle de fulgurance, parce que j'aime souvent bien ce dit Jean-Marc Adolphe et la façon dont il le fait, parce le tactile, les frôlements me touchent toujours, comme des chuchotements ...

    LE PRINTEMPS

    «Il existe un printemps inouï éparpillé parmi les saisons et jusque sous les aisselles de la mort. Devenons sa chaleur, nous porterons ses yeux. »

    Le Printemps de Catherine Diverrès n'a rien à voir avec un quelconque sacre. A l'instar de ces quelques lignes de Char, citées en exergue, Diverrès traque en sourcière d'émotions, un état de vie où ce qui vient « affleurer » l'être humain a partie liée avec le sentiment de la mort. Cette immanence du sujet, et au-delà, immanence de la danse, n'est certes pas un trait nouveau dans l'oeuvre de Diverrès. Car pour elle, il ne s'agit pas tant d'ouvrir ni d'exposer mais de cerner des forces qui agissent simultanément dans un espace près du corps. Comment cerner, dans la fulgurance d'un mouvement (laquelle fulgurance, loin d'être un jet spontané, requiert une profonde maîtrise de « ce que peut un corps »), une forme agitée du dedans dont le contour doit demeurer imprécis ? Comment atteindre une cible qui serait, à l'exemple de la danse de Montet, tressaillement, bougé, qui-vive ? Face à cet enjeu, autour duquel s'esquisse les chorégraphies, Diverrès a fréquemment opté pour ce que j'appellerais une « stratégie du rôdeur », rôdeur somnambule qui irait, déambulant, à la rencontre des rêves égarés. (...)

    Le Printemps comme printemps des corps. Promesse inouïe, érotique, hystérique, d'un corps auquel le monde se révèle. Pleinement. Le Printemps déploie sa lumière lyrique dans une chorégraphie d'une fraîcheur et d'une vigueur intacte, où rien n'est fané. Dans l'exigence de vie qui lie les corps entre eux, circule tantôt une rumeur, tantôt un cri, voix intérieures qui font de la danse une parole insomniaque. Des corps s'élancent, tournoient, se heurtent aux murs, chutent. Forme éblouissantes et incessante d'une beauté neuve et cruelle. Le Printemps de Diverrès est la promesse d'une beauté enfouie, la révélation de cette beauté au prix d'une danse initiatique démesuré, qui dessine et brouille dans un même mouvement les contours des « corps articulés, désarticulés par un souffle ».

     Jean-Marc Adolphe, novembre 1988.


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