• Jour 3

    Quand le dernier jour, à l'Espace Khiasma, on se demande si les mutations actuelles n'ont pas ôté au travail même ses capacités à faire sens ? si l'art peut encore contribuer au renouvellement de ce sens ?

    http://www.khiasma.net/espacekhiasma.html

    Une émotion intense, la réminiscence de ces lieux d'abandon de soi pour qui a connu la neutralité lisse des tours de la Défense, à la fin du film de Jean-Marc Moutout " Violence des échanges en milieu tempéré" (2004)

    Une lucidité sereine et réaliste à l'écoute des mots d' Eric Pagès, auteur de " Petites natures mortes au travail". Pour conclure juste un tout petit extrait d'une ITW donnée à Périphéries en avril 2000.

    « Violence des échanges en milieu tempéré » : naissance d'un coupeur de têtes" un article de Jean-Pierre Jeancolas dans POLITIS

    Le premier film de Jean-Marc Moutout s'en prend avec une belle efficacité aux habits neufs du capitalisme et à cette logique que le Medef dit « entrepreneuriale ». Le titre intrigue : Violence des échanges en milieu tempéré. Il faut prendre « échanges » à son sens premier, il n'est question, dans ce premier film de Jean-Marc Moutout, que de facteurs économiques, du libre-échange tel que le capitalisme naissant l'a érigé en valeur cultuelle. Le titre n'en intrigue pas moins, par le mélange détonnant créé par la rencontre du premier mot (le substantif « violence ») avec le dernier (l'adjectif « tempéré »), l'articulation passant par la notion ambiguë de milieu, qui peut désigner un centre, un environnement géographique ou écologique, ou encore un groupe humain marginal, régi par sa propre loi, la célèbre « loi du Milieu ».

    Violence des échanges trouve sa place au coeur d'un genre qui s'installe discrètement dans le cinéma français, dont la matière est le monde (le milieu ?) de l'entreprise. Rien à voir avec le film d'entreprise, catégorie qui existe depuis un demi-siècle et qui rassemble des films techniques ou documentaires produits par une grosse boîte (type Shell ou Péchiney) pour la plus grande gloire de cette boîte. Rien à voir non plus avec le film de lutte de classes. Les enjeux (dont le prolétariat a toutes les chances de faire les frais) se situent ici à l'intérieur des structures de décision, dans le monde des cadres et des patrons, voire dans l'espace quasi abstrait des multinationales. On se souvient, dans l'ordre de leur apparition, d'Extension du domaine de la lutte, en 1999 (adaptation lourde du premier roman de Houellebecq par Philippe Harel), et surtout des deux grands films de Laurent Cantet, Ressources humaines, en 2000, et l'Emploi du temps, en 2001. Vu sous un autre angle, Violence des échanges est aussi une sorte de roman d'initiation : un jeune, un mentor, un statut social à conquérir. (...)

    Comme la pièce de titane (est-ce bien du titane ?), le film est pensé, tourné et monté avec une précision documentaire. Le travail des salariés existe, le travail du consultant existe, et le second travail est la destruction annoncée du premier. Je disais plus haut que ce type de film n'avait rien à voir avec la lutte de classes, j'avais tort : la lutte de classes est là, incontournable comme les dommages collatéraux de la guerre moderne. Le regard de Moutout est un regard juste. (...)

    Source http://www.politis.fr/article815.html

    " Petites natures mortes au travail" Editions Verticales, 123 pages, 85 francs.

    Petites natures mortes au travail n'est ni un état des lieux de la précarité aujourd'hui, ni un recueil de fictions psychologiques ou surréalistes: il est tout ça à la fois. A 37 ans, l'auteur, Yves Pagès, a été tour à tour pion, veilleur de nuit, vendeur de glaces, animateur en banlieue rouge, auteur pour une compagnie de théâtre, comédien, magasinier, écrivain en résidence à la Villa Médicis à Rome, éditeur. Dans ces vingt-trois courts récits, les personnages sont pris dans leur rôle social, dans leur rapport à "l'oxygène en liquide" que constitue leur revenu, mais sans jamais se réduire à des stéréotypes.

    Extrait d'ITW Propos recueillis par Mona Chollet et Thomas Lemahieu

    "L'autre jour, sur France-Inter, vous disiez un truc intéressant : que, pour vous, le réel ne s'arrêtait pas à la table, au verre..., mais que le langage en faisait partie intégrante."

    Y.P. : "Oui, bien sûr, sinon je n'écrirais pas de livres, d'ailleurs... Le langage a même un avantage sur les objets. Une table n'est pas porteuse de la mémoire de la table. Tandis que le mot "table"... Un mot a toutes sortes de dimensions, étymologiques, poétiques. Il porte une mémoire, il porte des potentialités. Les mots, c'est du réel; c'est la profondeur du réel. Le fait d'opposer la théorie et la pratique, la parlote et l'action, la parole et l'action musculaire, spectaculaire, c'est la continuation de la divergence de l'âme et du corps, c'est l'équivalent laïc de la métaphysique. Cela relève d'un énorme terrorisme. Pour le coup, c'est une aliénation qui a vraiment marché. Elle a fait d'énormes dégâts, dans la politique, dans les couples... Alors que les linguistes parlent bien d'"actes" de langage! Comme disaient les situationnistes: "Assez d'actes, des paroles!"

    Source http://www.peripheries.net/default.htm


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